samedi 31 mai 2014

De l'importance de percevoir son environnement

Un réflexe inné quand la survie est en jeu ...

Tous les organismes vivants, du plus simple au plus complexe, sont dotés de moyens de perception de leur environnement (sensibilité à la lumière, à la température, sensibilité aux vibrations, à certaines substances chimiques, toucher, vue, odorat, ouïe, goût,...). 
Ces moyens de perception sont essentiellement focalisés sur les informations nécessaires à la mise en œuvre des comportements adaptés à la survie : perception des menaces externes, localisation des sources de nourriture, comportement reproductif. Ils induisent, chez les animaux grégaires, des échanges d’informations à partir desquels le comportement général de la communauté se modifie en fonction du contexte. Par exemple, à l’approche de fauves prédateurs, de nombreux mammifères herbivores adoptent un dispositif de défense au sein du troupeau. Le cas des hyménoptères sociaux, tels que les fourmis est encore plus significatif. La découverte d’une source de nourriture abondante est rapidement transmise par signaux chimiques d’individu à individu, au sein de la fourmilière, laquelle organise rapidement un système d’approvisionnement comportant localisation, trajet, transport et stockage, et ce, à partir d’un potentiel neuronal extrêmement faible. Les exemples de ce type sont innombrables et constituent par leur masse une démonstration par l’exemple de l’importance vitale de la perception de son environnement pour la survie et le développement.

... Qui s'étiole souvent sous l'effet de la routine et de la propension de nombre d'organisations à être autocentrées

En ce qui concerne les organisations humaines, et en particulier les entreprises, le CREPA de l’Université Paris Dauphine, dans son cahier de recherche n° 44 ( Michel Kalika, Florence Laval, Véronique Guilloux), distingue 3 modes d’appréhension de l’environnement par les entreprises : 
  • la conception objective, qui considère l’environnement comme une réalité concrète externe à l’organisation, mais déterminant pour sa structure, 
  • la conception perceptive, qui considère également l’environnement comme une réalité concrète externe à l’organisation, mais perçu au travers des filtres cognitifs des managers, lesquels introduisent des biais (7 biais cognitifs ayant une influence sur la perception de l’environnement et les décisions stratégiques sont ainsi recensés par Laroche et Nioche à partir des travaux de Schwenk (1994)),
  • la conception constructive, qui réfute la séparation entre l’entreprise et son environnement, lequel est considéré comme le double résultat des constructions mentales des managers et de leurs actions.
et établit, dans le même temps, une relative corrélation entre la perception de l’environnement, et en particulier des menaces qu’il recèle, et la structure de l’organisation de l’entreprise. 
Une forte structuration de l’organisation de l’entreprise semblant correspondre à une perception de menace relativement faible, et inversement. 


Ceci nous rappelle que percevoir son environnement n’a de sens que si l’on a la capacité à se percevoir soi-même au sein de cet environnement, à s’y mettre en perspective, distinguant ainsi nos caractéristiques, forces et faiblesses, menaces et opportunités, antagonismes, symbioses, éléments neutres. Tout individu ou organisation doit donc se considérer comme partie intégrante de son environnement, sous peine de désorientation.

Je postulerai, pour ma part, que les conceptions objective, perceptive et constructive d’appréhension de l’environnement, ne sont pas exclusives les unes des autres, mais s’entremêlent constamment, le poids relatifs de chacune de ces conceptions variant selon l’observateur et le sujet observé.

L’importance vitale de la perception de l’environnement pose, bien-sûr, en premier lieu, la question des moyens ou techniques de perception de cet environnement. La perception implique :
  • La collecte d’informations, objectives et subjectives, car comme nous l’avons vu, le rôle des filtres cognitifs n’est pas neutre,
  • Le discernement dans le recueil et l’exploitation de cette information.
  • La compréhension et la modélisation de l’environnement à partir des informations recueillies et qualifiées.
Le discernement porte notamment sur :
  • la sélection des informations pertinentes pour l’entreprise,
  • la qualification de la valeur de l’information, au regard :
    • des moyens et modalités d’acquisition de cette information (s’agit-il d’une mesure et comment a-t-elle été effectuée ?, d’une estimation, d’une information institutionnelle ?, d’une rumeur ?, d’une croyance ?, d’un dogme ?, d’une intuition ?, d’une opinion ?, ...)
    • de son degré d’objectivité (est-ce une grandeur vérifiable ?, l’information peut-elle être recoupée ?, est-elle complète, ou nécessite-t-elle d’autres éléments pour être comprise ou interprétée ?),
    • de la façon dont elle susceptible d’être appréhendée par les filtres cognitifs des collecteurs de l’information et de ses destinataires (information attendue ou non ?, rassurante ou inquiétante ?, profitable à tel ou tel clan ou individu ?, ...)

Analyser / Evaluer chaque situation pour comprendre, prévoir et anticiper

L'analyse et l'évaluation font partie intégrante des tâches et compétences qu’exige le rôle de manager. Un manager mène des actions réfléchies, tant aux plans stratégique, que tactique et opérationnel, ce qui implique une maîtrise du temps permettant de ne pas subir les événements.
Cette réflexion porte sur l’ensemble des aspects de la mission du manager. Elle a pour objet d’assurer :
  • Le discernement mentionné ci-dessus,
  • L’analyse des informations ‘discernées’ (ayant fait l’objet de ces efforts de discernement) afin d’assurer la compréhension et d’être en mesure de préparer l’élaboration de l’action (stratégique, tactique ou opérationnelle).
Elle débouche sur une modélisation, formalisée ou non, de l’environnement interne et externe, au sein d’un espace-temps définit, et sur la définition d’un dessein, d’ordre politique, au service duquel se placeront l’organisation et la stratégie.

L’analyse nécessite le recours à un ensemble d’aptitudes et de méthodologies telles que :
  • L’ajustement efficace des modalités d’analyse au niveau de complexité de l’objet de l’analyse (le simple doit être traité par la simplicité, le compliqué par l’expertise, et le complexe par la complexité, points sur lesquels nous reviendront),
  • La mise en relation des environnements internes et externes,
  • Le zoom alternatif et répété du global au particulier et du particulier au global,
  • La multiplication des angles de vue,
  • Une mise en perspective dans l’espace-temps (espace géographique ou conceptuel tels que des secteurs d’activité, lecture comparée du présent à la lumière du passé et à la lumière de l’avenir),
  • La prise en compte des filtres cognitifs,
  • Le dépistage de corrélations,
  • L’exercice de l’interprétation,
  • La conception de scénarios, ....

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